Une émission sur La Cinquième consacrée à Compuserve, l’un des réseaux informatiques de services de l’époque, la découverte pour moi des futures « autoroutes de l’information » à l’époque réservées à une poignée de spécialistes, futures remplaçantes des « nationales de l’information » sur lesquelles je commençais à peine à naviguer, que déjà mes parents m’offraient mon premier modem, en avril 1995.
Après avoir découvert en avril 1995 les BBS (Bulletin Board System), ces paisibles nationales de l’information, véritables communautés « modem-isées » de passionnés qui se regroupaient sur un serveur pour parler de tout et de rien, qui échangeaient des messages autour de la planète via le réseau Fidonet (pour le plus connu d’entre eux), qui téléchargeaient des fichiers, qui se rencontraient parfois autour d’une table de restaurant (bonjour aux anciens d’Intermède dans le Var 😉 ) , bref qui squattaient le système informatique qu’un « Sysop » (System Operator), passionné également, mettait gratuitement à disposition des visiteurs ce carrefour virtuel, que déjà, donc (Après avoir découvert en avril 1995 les BBS) je m’essayais à Internet.
(désolé, la phrase est un peu longue mais relisez-la bien, elle a du sens) 🙂
Pas trop convaincu au début. Sentiment de voir là un outil sympa, mais n’apportant pas grand chose et surtout auquel il manquait un aspect primordial pour moi : la convivialité qui existait sur les BBS… au point que quelques mois plus tard, j’ouvrais mon propre BBS. Ce fut certainement, pour l’anecdote, l’un des derniers à avoir vu le jour en France, tant SpaceLand BBS est arrivé en même temps que l’Internet faisait plus d’ombre à ces nationales… au point que la plupart des BBS ont fini par fermer.
1995 est donc l’année à partir de laquelle les premiers forfaits grand public pour l’accès au réseau Internet ont vu le jour.
Ils n’avaient de « grand » que le nom, comparé aux offres d’aujourd’hui. Pas de forfaits illimités. Pas de Haut Débit, vitesse plafonnée à 28.8K pour les plus chanceux, 21.6K en pratique, soit minimum 100 fois moins rapide qu’aujourd’hui et numéro d’accès occupé assez souvent. Pas de MSN ou d’ICQ, on avait d’ailleurs assez peu de chances de connaître quelqu’un autour de soi qui accédait à ce truc. Et d’ailleurs, c’est quoi ce truc ?
me rétorquait-on.
Tout juste équipé d’un e-mail et un accès au web de l’époque. Pas de Free, de Club-Internet ou de Wanadoo mais juste une poignée de fournisseurs d’accès qui proposaient (j’en veux pour preuve mon premier abonnement chez Worldnet) les 10 heures de connexion annuelles (ce qui était déjà énorme à l’époque!!) aux alentours de 250 ou 300 Francs.
Pas de numéro vert en 0800… d’ailleurs la numérotation à 10 chiffres n’existait pas encore. Non, au lieu de celà des POPs (Points of Presence) répartis dans les grandes métropoles, souvent loués à France Télécom qui se chargeait d’aggréger le trafic national pour le redistribuer aux prestataires Internet. Sans POP situé dans une zone de tarification locale
ou locale élargie
, l’exercice était périlleux. 22h30 était attendue avec impatience : c’était l’heure à laquelle la zone de tarification bleu nuit
, la moins gourmande en Francs, débutait. Et à cette époque, faites-moi confiance, la facture grimpait vite vite vite. Merci à papa et maman d’ailleurs… 🙂
A l’époque, pas non plus de Google, ni d’Altavista, ni de voila.fr. Au lieu de celà, un yahoo.com qui faisait, à ses débuts, figure de référence.
Pas d’Internet Explorer mais Mosaïc. Pas de bandeaux publicitaires, pas de virus, pas de popups en pagaille, pas d’animations Flash, de GIFs animées, mais un tout jeune Javascript grâce auquel les les textes clignotaient ou changeaient de couleurs. Très peu de sites français, excepté universités et centres de recherche.
Armé de l’Officiel d’Internet 1995 (ces livres avaient poussé comme des petits pains en l’espace de quelques mois), je « naviguais » déjà (10 heures annuelles je vous le rappelle) en avril 1995, parmi les quelques sites web recensés à l’époque. Quelques paroles de chansons. Quelques fichiers à télécharger. Quelques informations par-ci par-là mais rien de transcendant. Tout ça à raison de 10 à 15 minutes, quelques fois dans la semaine. On était loin de la connexion permanente permise par l’ADSL.
Je n’oublierais jamais ce jour où, pour la première fois, je me suis retrouvé moi-même relié à ce réseau mondial, ni la première page consultée dans une Université des Etats-Unis. Ce sentiment de voir s’afficher, en l’espace de deux clics, les données d’un serveur situé à 6000 km de mon écran… Aujourd’hui, ce réflexe est devenu si naturel qu’il ne nous vient pas à l’idée d’y penser, et pourtant…
Je n’oublierais pas non plus mes samedis après-midis passés au cyber-café du Leclerc, à naviguer sur Yahoo, armé d’une disquette pour récupérer ma moisson de données, tandis que mes parents faisaient les courses…
De sa presque inutilité hier, Internet est passé en l’espace de 10 ans de gadget à outil pratique utilisé presque tous les jours… pour ceux qui ont la chance de pouvoir y accéder bien évidemment. La France qui avait pris un retard considérable sur l’utilisation d’Internet en France est presque propulsée en tête du palmarès du taux de pénétration d’Internet Haut-Débit dans les foyers.
Avec un peu de recul sur tout ça, 10 ans, une éternité dans le cyber-space tant décrié à l’époque, on en vient naturellement à se poser la question… mais diable, comment faisait-on « avant » ? Internet n’a pas été crée pour répondre à un besoin du grand public. Internet a créé son propre besoin : du média naît l’utilité : réservation des séances de ciné, achat en ligne, documentation sur tel ou tel médicament, recettes de cuisine, recherche de jobs. La société évolue. Les outils et les habitudes aussi.
En fait, avant (le problème est le même qu’avec le téléphone portable), on faisait sans
. Ou plutôt, on faisait autrement
, et personne ne s’en souciait…